Gilles-Christophe, Mai 2018
Connaître pour connaître
Il n'est plus temps pour moi de connaître pour connaître. J'accorde que l’étude et l’érudition sont les bases de la culture de l’honnête homme. Mais seulement de l’honnête homme encore jeune qui a du temps devant lui. Moi qui sens que la fin approche, je dois songer à m’assimiler les notions essentielles propres à mon âge en sacrifiant les détails qui m’éloignent de mon but.
Trois durées
Corps et âme
Esprit infini, vie finie
Tout à fait essentiel
Un credo sur mesure
Le jardin de la réconciliation
Excellentes ces résolutions
Il n'est plus temps pour moi de connaître pour connaître. J'accorde que l’étude et l’érudition sont les bases de la culture de l’honnête homme. Mais seulement de l’honnête homme encore jeune qui a du temps devant lui. Moi qui sens que la fin approche, je dois songer à m’assimiler les notions essentielles propres à mon âge en sacrifiant les détails qui m’éloignent de mon but.
Ainsi mon étude de la philosophie des sciences du XIXe et du
tournant des XIXe et XXe siècles doit se limiter aux métaphysiciens, aux
spiritualistes ou et aux épistémologies dites « parascientifiques » qui
n’hésitent pas à recourir à l’Esprit et à Dieu et à laisser la pensée prendre
son essor au-delà des limites autorisées par la pensée étroitement rationnelle.
Bergson est la dernière limite avec, peut-être, son disciple le plus fidèle :
Le Roy. Toujours la même lignée : Maine de Biran, Lachelier, Ravaisson,
Bergson. Je puiserai chez eux les matériaux d'un spiritualisme personnel, un
spiritualisme objectif, toujours en progrès, ne récusant pas les données de la
science la plus contemporaine, traquant les fausses croyances, les
anticipations erronées.
Par ailleurs, et c'est sans doute plus important encore pour
l'objectif que je m'assigne, je voudrais me repaître de cette prose poétique,
ou décalée, permettant au lecteur que je suis de me fondre dans tous mes
avatars, de me désidentifier, de me métamorphoser. Je pense d’emblée à Durrel,
Pessoa, Gombrowicz, Gracq, Jouhandeau et Proust, mais aussi, à certains que je
n'ai pas encore lus, comme Rilke et Milosz. En écrivant ceci, je me demande si
je ne devrais pas me limiter à cette prose
poétique ou décalée pour mieux libérer en moi le désir d’écriture. Pour mon
chant du cygne.
Trois durées
Le retour sur mon passé ne m’intéresse que dans la mesure où
il me permet de comprendre ce qui m'anime aujourd’hui. Ce n'est certainement
pas l'homosexualité qui constitue pour moi la ligne directrice, la composante
fondamentale. Ce serait une grossière déformation que de décrire ma vie
jusqu'ici comme la revendication d'une certaine orientation sexuelle ! Et si
cela m'a préoccupé longtemps c'est que je ne voulais pas rester dans le
placard, que je voulais vivre comme je l'entendais. Même mon conflit sans solution
avec mes parents ne m’apparaît pas assez significatif pour mériter de s'y
attarder.
Idem pour mon travail, ma profession de chercheur, mes
diverses expériences. Il fallait vivre en faisant quelque chose d'un peu
intéressant intellectuellement et qui corrigeât les défauts de mon cursus
d’études. J'ai pu en vivre et même un peu plus. J'ai pu contribuer à bâtir
notre vie au plan matériel, à nous protéger et à assurer notre sécurité de
couple.
Non ce qui a importé dans ma vie c'est d'abord la recherche
de l'amour, sa découverte, et le projet de vie à deux, la construction du
quotidien et de l’avenir avec toi. C'est le premier temps proprement humain, la
première durée qui compte. La deuxième durée s’accomplit, depuis longtemps,
depuis toujours peut-être, dans le virtuel et dans l’imaginaire : c'est le
dépassement de mon statut d'existant, c'est la préparation à la mort, ce terme
n'ayant rien de dramatique pour moi. Évidemment ces deux durées sont liées ;
elles sont interdépendantes : décrire leurs liens, retrouver leurs points de
contact ce n'est plus exactement la vie, c'est l’écriture. Ça peut m'intéresser
pour cette raison, ça peut m'intéresser pour donner du corps à une troisième
durée, facultative celle-ci, accessoire peut-être, celle de l’écriture.
Je récapitule les trois durées : l'amour, la mort,
l’écriture.
Les philosophes en parlent-ils ? Y a-t-il rien de plus
essentiel ?
Platon » et Jésus ont parlé de manière définitive de l'amour.
De l'amour, tout rayonne, tout prend sens. Et seuls ceux qui parlent au nom de
l'amour parlent juste.
J'aimerais pour un temps m’attarder un peu sur ce que
j'appelle « la mort ». Car cette durée particulière fait son chemin en moi
depuis longtemps en passant largement inaperçue et en se dissimulant sous
divers avatars. Disons, pour simplifier sans trahir le fond, que c'est un
instinct de survie au-delà de la vie. C'est une force qui dissout peu à peu en
moi tout ce qui s'oppose à l’affranchissement ultime, qui est à l’écoute des
moindres battements et des moindres pulsations pour s'assurer d’être là au dernier
moment. J'aimerais dévoiler ses secrets, déjouer ses stratagèmes, lui dicter sa
conduite, à défaut lui demander des assurances, mais c'est peine perdue. Elle
se refuse largement à mes mots et je ne peux que conjecturer. Je peux lui
suggérer quelque idée, lui donner du grain à moudre, lui inventer un double. Je
peux faire ça, et je le ferai, mais jamais je ne parviendrai à la détourner de
sa tâche dissolvante et libératrice, à lui imposer un autre cours que celui
qu'elle s'est donnée et que je suis condamné à imaginer.
Cet imaginaire de la mort annoncée, quel formidable festin
pour l'esprit ! Que d'heures pleines il promet ! Mais je ne dois jamais quitter
cette vie sans avoir célébré l'amour qui va avec. L'amour de l'autre, l'amour
des autres, l'amour de Dieu, oui de Dieu, et l'amour de sa Création. Il n'y a
rien de plus vrai, de plus authentique. Et je suis heureux d'en arriver là,
enfin.
Corps et âme
Le signe qu'on y est arrivé, c'est quand le corps est en
accord avec l’âme. Et je n'y suis pas encore, comme dirait la grenouille. Par
exemple mon corps, bien que je le respecte par l’exercice, par une alimentation
équilibrée et en évitant les excès, est vieillissant. Ainsi affaibli au plan
des énergies instinctives, il devrait être à l'unisson de mon esprit qui
s’avère de plus en plus détaché de certaines réalités matérielles et de plus en
plus capable d’intériorisation. Or je reste attaché malgré moi à des besoins du
corps qui ne sont plus de mon âge. Je ne parviens pas encore à demeurer
totalement à l’intérieur de moi-même ; j'échoue à me détacher complétement de
la réalité extérieure. À dépasser, par exemple, les suggestions du désir
sexuel.
Notre jardin est l’élément le plus important de cette réalité
extérieure, ce qui exige de moi le plus de participation concrète de mon corps,
de mon à-propos face aux contraintes et aux opportunités que nous présente la
réalité. Mais, paradoxalement, c'est aussi le support majeur de l’évasion
spirituelle. C'est comme si nous avions été les démiurges d'un paradis façonné
à notre image.
Esprit infini, vie finie
La croyance en Dieu peut être considérée comme le produit
d'une forme d'imagination collective. Et ceux, comme moi, qui y résistent sont
des gens fiers qui refusent d’aliéner leur propre imagination à celle des
autres. Pour croire simplement au Dieu chrétien, dans ces deux expressions que
sont l’évangile, d'une part, et la théologie chrétienne, lentement et savamment
élaborée par les pères de l’église, d'autre part, il suffit de s'en remettre à
Autrui, de s'abandonner à cette part de nous qui est en Autrui. On peut le
faire en séparant en nous ce qui relève de la raison, et, a fortiori, de la
raison raisonnante, et ce qui n'en relève pas : l’imagination, l’intuition, le
sentiment, l’amour. La religion chrétienne nous est offerte. Dans sa forme
respectable (elle a des formes qui ne le sont pas et ce sont sans doute les
plus répandues), elle se propose à nous comme un fruit de la civilisation mis à
la disposition de chacun. Mais l’église en a fait un véritable fatras qui n'a
pas de sens pour qui prend ces choses vraiment au sérieux. Il faudrait
toiletter tout ça et ne garder que l'essentiel. Lire Alfred Loisy pour faire ce
grand ménage.
L’Esprit est infini, même dans sa dimension individuelle. La
vie individuelle, quant à elle, est finie. Esprit infini, vie finie. Le terme
assigné à cette vie individuelle nécessite qu'un jour, avant qu'il ne soit trop
tard, on accepte de s'embarquer dans le vaisseau collectif, de s'en remettre à
ce que des siècles de questionnements humains ont patiemment construit. De se
laisser emporter ainsi, sans autre forme de résistance que le rejet de
l’intolérance et l'insoumission aux autorités usurpées. Même chez les esprits
les plus forts, la sagesse prescrit de s’arrêter à temps, de renoncer à
chercher pour chercher, d’arrêter de toujours tout remettre en question. Le
sagesse prescrit aux esprits les plus rebelles d’accepter leur finitude et de
se confier définitivement à Dieu. De se placer en Dieu. Ce que je fais
sincèrement.
Ce qui peut rebuter un esprit honnête dans le christianisme
c'est la réponse qu'il apporte à des questions que je qualifierais
d'accessoires dans la foi. Je pense notamment à la question, pourtant centrale
pour le dogme, du salut individuel et qui ne se pose pas de manière aiguë à
ceux qui, comme moi, cherchent plutôt dans la mort l’indistinction, c’est-à-dire
l'extinction de leur spécificité individuelle. Il me semble que le salut
pourrait à la rigueur s'entendre pour cette vie, qu'il pourrait même s'entendre
au présent absolu, notion à l’intérieur de laquelle l’âme, emportée par le
courant de la vie, a beaucoup de mal à se tenir.
Tout à fait essentiel
Liste (anecdotique) des choses tout à fait essentielles (aujourd’hui)
:
Jardin et maison.
Priorité des priorités, pour le présent immédiat comme pour l’avenir. Le projet
à plus long terme étant de restituer S.-G. dans sa configuration initiale. Mais
ce qui nous attache au jardin, c'est la nature, la beauté, la diversité et la
vie. Un monde inépuisable qui s’offre à nous et nous interpelle, qui exige tous
nos soins, avec lequel nous interagissons tout au long de l'année. C'est
désormais, et probablement à jamais, la source principale de nos sensations, de
nos réflexions, de notre culture personnelle. C'est notre vocation à tous les
deux. C'est pourquoi je ne dois pas en dissocier l’étude, l'intellect et
l'esprit dont je fais une autre priorité (voir après). Inventaire des plantes du jardin comme base d’une botanique à notre
usage personnel.
Lecture et étude. Jusqu'ici
je me suis laissé guider par l'instinct qui m'attire vers les livres et leur
contenu. Deux pôles se disputent la priorité : la philo et l’histoire littéraire.
Philo . J’avais
besoin de construire une forme de credo
à mon image et à mon intention, un credo sur
lequel je puisse me reposer, au sens propre, jusqu’à la fin. Je suis parvenu à
formuler ce credo métaphysique (voir les précédentes contributions du blog) et
il semble solide même s'il est très lacunaire. Je crois pouvoir m'y tenir dans ses
grandes lignes. Certains points mériteraient cependant d’être consolidés : (1)
le réalisme des idées et des formes après Platon, Aristote et la Scholastique
(avec Cousin et De Libera comme guides) ; (2) les rapports de
continuité/discontinuité entre esprit et matière pour mieux ressentir la
présence de l'esprit dans la conscience de l’immédiat présent et me relier plus
intimement à l’unité originelle (révolution opérée par les théories physiques
du XXè siècle, Bergson et ses prédécesseurs spiritualistes depuis Maine de
Biran) ; (3) les idées et les formes comme matrices des processus naturels et
comme signes de Dieu à l’œuvre dans son grand Dessein, notamment dans
l’évolution du Vivant (Bergson encore, Jacob, Monod, quels autres auteurs ?) ;
(4) ouverture vers la vulgarisation des théories de cosmologie contemporaine
pour avoir quelques lueurs et quelques hypothèses sur l'origine du monde
matériel et son rapport avec ce que l'on pourrait, encore une fois, appeler «
esprit ».
Pour toutes ces questions, il ne
s’agit aucunement de me cultiver dans le sens d'une acquisition de
connaissances (ou d’un renforcement d’objectivité) mais de me rendre plus
intime et plus permanent le monde sous-sous-jacent de l’Esprit, des Idées et
des Formes. Dès que je sentirai la mise à distance ou l’étrangeté, cela
signifiera que je suis sur la mauvaise voie. Il s'agit en fait d'une forme
d'auto-initiation et d'un trajet essentiellement personnel.
Histoire littéraire : me
limiter aux auteurs dont nous avons des lettres autographes. À cette fin
rédiger des notices de synthèse sur les auteurs, destinées à être dites
oralement lors de présentation de la collection ou de mini-conférences. Sand,
Gautier, Sainte-Beuve, France, Jouhandeau, Montherlant, Cocteau.
Un credo sur mesure
Vient un temps où l'on construit sa propre croyance, dans
l'impossibilité qu'on est de se rattacher à aucune de celles qui ont été faites
à notre intention. Car on se heurte à ce paradoxe : pour rejoindre la
communauté définitive et s’y fondre au point de n'avoir plus d’individualité,
il faut beaucoup donner de soi, beaucoup chercher. L’âme est un quêteur de sens
qui comprend confusément que son statut définitif est dans la perte de
l’identité de qui l’héberge.
Cette activité propre de l’âme visant à rompre l'isolement en
usant de sa force individuelle et solitaire trace la voie du salut. Sans doute
qu'une bonne partie de la poésie et de la littérature peut être interprétée
dans le cadre de ce schéma.
Je prépare une nouvelle étape d'affranchissement spirituel.
Brouillonne, très brouillonne car il s'y mêle, comme le montre ce journal, un
reste de souci d'emprise sur le monde extérieur. La vérité c'est qu’il
n'importe de ce monde extérieur que T., la maison, son jardin, nos livres, et
le corps comme antenne et comme véhicule... Et tout ce qui peut protéger cet
équilibre en termes d'amitié et d'entraide. Le reste n'a plus d'importance.
Certaines formes du désir doivent être sacrifiées sans regret, comme autant
d'entraves. Le monde n'est pas fait pour être occupé ni pour être consommé. Il
suffit de quelques appuis humains, de quelques repères physiques et de beaucoup
de sagesse. C'est peut-être la sagesse elle-même qui fidélisera les amis et qui
consolidera les repères. Il faudra veiller à être toujours là où les vrais amis
m'attendront.
Quant au fond de ma croyance personnelle, il faudrait
l’édifier sur la perception du monde extérieur : physique, naturel, vivant et
cosmique. C'est au fond la voie philosophique que j'avais perçue comme
essentielle dès le début de cet itinéraire de lecture et de réflexion mais je
n’avais pas anticipé que cette voie allait converger avec l'approche proprement
religieuse qui me hantait par ailleurs. Je distingue aujourd’hui que les
quelques convictions religieuses que j'ai acquises, notamment sur (1) le «
réalisme » des Idées et des Formes et (2) la préexistence et la préséance de
l’Esprit sur la Matière sont susceptibles de développement dans le cadre de
cette ultraperception du monde extérieur. Je mets de côté pour l'instant le
dualisme Esprit-Matière dont j’ai déjà perçu la priorité intellectuelle et qui
doit être examiné à la lumière des données de la physique contemporaine
(Lecture de Heisenberg, Schrödinger, de Broglie, Costa de Beauregard
notamment). Plus nouveau comme révélation est que la notion d'Idées et de
Formes ne se limite pas à aux catégories purement psychologiques, celles de la
scholastique médiévale, mais qu'elle peut s’étendre aux substances et aux
éléments, donc à nos rapports avec le monde physique et naturel. Il faudrait
donc, car c'est de toute évidence essentiel, compléter et reprendre ma lecture
des essais de Bachelard sur les éléments en y ajoutant dans ma lecture ce qu'il
manque, me semble-t-il, chez Bachelard lui-même : la démarche spirituelle.
L'autre vide à combler dans l’œuvre bachelardienne c'est la prise en compte du
Mouvement et du Vivant par rapport à la stabilité et à l'inertie des éléments.
Ce souci est aristotélicien et nécessiterait de ma part d’acquérir en premier lieu
quelques lumières sur la métaphysique d'Aristote. Parallèlement il s'agit de
savoir si la perception, ou l’ultra-perception du Vivant, se réduit à une
position idéologique sur la signification de la Vie et sur l’élan vital
bergsonien, ou bien si elle ne pourrait pas être abordée via une approche
phénoménologique de type bachelardienne. Mais le premier Vivant n'est-il pas
l'homme ?
Quel univers inépuisable de lectures ! Impensable évidemment. On en revient à notre
humaine nature et à la nécessité des religions consacrées et de leurs textes
fondateurs comme autant de raccourcis indispensables et salutaires. Puiser dans
la Bible ce qui parle du monde extérieur, du Vivant au sens large ; puiser dans
le polythéisme grec ou indien ; se nourrir tout simplement de la littérature et
de la poésie qui nous semblent les plus proches de nous, et écrire pour nous
donner l'impression de retenir les choses. Se détourner enfin des idées
abstraites et accepter de se perdre dans l’océan des formes.
Le jardin de la réconciliation
Mon rapport à notre jardin. Fondamental. Je me donne à lui
comme il se donne à moi. J'y consacre beaucoup de mon temps et de mon énergie
physique, j'en reçois de nombreuses sensations esthétiques, mais je ne songe pas
à en faire le lieu d’une forme de spiritualité. Plus exactement je n'ose pas,
tout mobilisé que je suis par le travail et les soins qu'il nous impose. Or il
est bien le lieu de la réconciliation de tous les besoins et de toutes les
aspirations de l'homme que je suis. Il est le creuset dans lequel l'esprit et
le corps, le corps et l'esprit, - je ne sais pas dans quel ordre, -se fondent
l'un dans l'autre. C'est un microcosme, certes, mais c'est aussi le réservoir
inépuisable de tout ce qui est à la portée de l'homme simple, le grand et le
petit, l'ordre et le désordre, l'un et le multiple.
J'essaierai désormais de me passer de la caution des livres
et des auteurs consacrés pour dégager, avec mes propres outils intellectuels,
avec mes propres mots, la dimension spirituelle de notre jardin.
Mais d'un autre côté, je ne veux pas le vendre aux autres, le
vanter, en surévaluer la qualité pour un regard extérieur. Ce serait l’aliéner.
Il doit garder son secret, c’est notre secret. Et si un jour nous devions l'ouvrir
au public, ce serait par nécessité.
Ce que nous essayons de faire, car le jardin est en train de
se faire et il n'atteindra un état d’équilibre évolutif que dans deux ou trois
ans, c'est de domestiquer la nature en lui laissant un certain degré de liberté.
Le cadre et les grands principes sont bien les nôtres. Nous entendons en garder
la maîtrise. Mais à l’intérieur de ce cadre « contraint », qui peut lui-même
évoluer selon notre volonté et nos caprices, nous ménageons des espaces de
liberté, espaces physiques ou espaces virtuels, où les plantes, celles qui sont
déjà là où celles qui s'y invitent, conservent leur liberté. Dans ces espaces-là
nous n’intervenons que pour éliminer les « mauvaises herbes » : chardons,
orties, pissenlits, liserons, etc.
Je remarque que même les pelouses, pourtant régulièrement
tondues, évoluent dans leur composition. Actuellement, elles sont abondamment
colonisées par un trèfle ras donnant de minuscules fleurs jaunes, ce qui en
modifie très favorablement l'aspect. Il est possible ce soit une conséquence du
mulching que nous pratiquons à la
tonte.
Excellentes ces résolutions
Ces heures du matin, si précieuses mais si exigeantes, me
plongent dans l'outremonde. Dans un monde intérieur précédant la veille,
prolongeant le rêve mais aussi souvent dans un monde exacerbant la veille, dans
celui de l'extra-lucidité. Sans ces heures de solitude et de rumination
intérieure, ma vie serait trop routinière. Je les utilise pour me projeter
virtuellement dans l'avenir et dans l'ailleurs. Si je ne les avais pas, je
deviendrais peut-être fou ou plutôt je ne serais plus le maître de ma
folie.
Je suis persuadé que cette tierce activité de l'esprit, soit
à mi-chemin du rêve et de la veille, soit au-delà de la vigilance
intellectuelle nécessaire à la vie quotidienne, est indispensable pour bien
vieillir.
Je rappelle ici les quatre domaines d’étude qui découlent
logiquement de ma réflexion antérieure :
1. La physique contemporaine pour comprendre
les rapports de l'esprit et de la matière et dépasser leur dualité irréductible
(Piaget, Ullmo, De Broglie, Costa de Beauregard dans Logique et Connaissance scientifique de la Pléiade ; Mémoires de
Schrödinger et de Heisenberg ; Holton : L'imagination
scientifique)
2. La métaphysique d'Aristote pour dépasser
les conceptions fixistes des Idées et des Formes dans la vision de Platon et
incorporer le Mouvement, le Vivant et l'Avenir dans mon réalisme personnel.
3. Les catégories dans la relation de l'homme au
monde extérieur, à partir des essais de Bachelard sur les quatre éléments
et en étendant cette étude au Vivant. Position intellectuelle : ces catégories
auraient une valeur transcendantale au même titre que les Idées et les Formes.
Sujet en liaison directe avec le précédent. Bibliographie à définir. Peut-être
avant tout la Logique du Vivant de
Jacob, pour identifier ces catégories chez les premiers naturalistes et le
chapitre « Classer » des Mots et des
Choses de Foucault. Voir aussi Diderot et Buffon et les auteurs du XVIIIè,
chez qui l’imagination domine sur l'aspiration scientifique.
4. La cosmologie pour approcher le mystère de
l'Origine, à partir des ouvrages des grands vulgarisateurs, sans oublier
Teilhard de Chardin. Bibliographie à définir.
J'aimerais en faire mon programme d’étude pour les quatre ans
à venir. Par rapport au programme antérieur qui avait justifié la précédente
phase de mon blog, il me semble que le cadre est mieux défini. Il a pour
objectif d’étayer une conviction personnelle alors que dans la phase précédente
je cherchais une voie dans le brouillard.