Dans la quête de l'absolu le philosophe rencontre le poète.
Retourner aux sources
Deux approches tardives et complémentaires, à mener de front, pour transformer la vie: l'abstraction philosophique et la transposition poétique des sensations. Si je devais absolument utiliser les livres dans cette quête, mieux vaudrait alors dialoguer avec les pionniers qui, étonnés par leur propre regard sur les choses ont inventé les mots pour les dire. Les grecs et les latins, notamment, chez qui philosophie, science et poésie tendaient à se confondre.
Mieux que la mémoire
Ceci dit, est-il avisé de se retourner sur sa vie par le seul effort de la mémoire, au risque d'en faire un pur objet de dissection ? Personnellement, ne m'importe du passé que ce qui contribue organiquement au présent et permet d'envisager l'avenir. Je véhicule au présent, dans les couches sous-jacentes de la conscience, ce que le passé m'a légué d'essentiel. La conscience pourra me restituer ce legs, bien mieux que la mémoire volontaire.
Vérité
Le terme de vérité en impose: on lui affecte d'emblée une valeur unique, absolue, transcendante. Cette conception appliquée ordinairement aux sciences, impressionne beaucoup ceux qui ne les pratiquent pas. Or la vérité scientifique est relative et nullement indispensable dans l'absolu pour agir sur le réel et le transformer. Les civilisations, quant à elles, sont fondées sur des conceptions parfaitement étrangères à toute vérité sub speciae aeternitatis, quand elles ne sont pas fondées sur des artifices de l'imagination collective tels que les religions.
La pensée philosophique elle-même s'appuie sur le postulat naïf de l'existence d'une Vérité, vérité vraie qu'il conviendrait d'atteindre, fût-ce en tâtonnant et en se trompant. Les créateurs de systèmes philosophiques, s'acheminent, livres après livres, vers ce qu'ils croient pouvoir être la formulation définitive. Comme alternative, ou palliatif, à cette quête épuisante, on a inventé la pensée historico-critique, qui consent à côtoyer le relatif et l'impur par la déconstruction des systèmes de pensée et l'archéologie des savoirs. La philosophie critique et l'histoire de la philosophie sont ainsi fondées sur la relativité des conceptions humaines, donc sur la négation de toute vérité définitive. La pensée la plus efficacement critique relève des logiciens, lesquels érigent paradoxalement la Logique comme fondement de la Vérité ! Je crois savoir que Wittgenstein ne s'est pas laissé piéger.
Mémoire sans moi
La conscience et Moi
Des états de conscience dits supérieurs, je retiens ceux par lesquels l'esprit cherche à s'élever grâce à la concentration mentale - les états philosophiques -, et ceux qui visent au contraire à fondre le moi dans le monde par la contemplation passive, - les états poétiques -. Il faudrait pouvoir les alterner, comme dans une respiration. Les premiers permettent d'accéder à l'unité primordiale sous une forme non dialectique. Les seconds nous font participer à la plénitude cosmique. Comment se contenter d'un seul de ces états ? Les deux sont nécessaires à l'économie vitale.
J'ajoute que la conception d'un état supérieur de la conscience dans laquelle le moi s'efface n'est paradoxale que pour ceux qui assimilent le moi à la conscience. En vérité, la conscience, dans sa forme la plus accomplie, allège l'esprit du poids de l'être immédiat (le seul qui ait une quelconque réalité), donc du moi.